Chapitre I : Une Guerre Mortelle...
J'étais à peine retourné dans les profondeurs infernales d'Ainmhain, et je me prélassais parmi mes favorites après ma première guerre, m'abandonnant aux soins de leurs mains délicates. Ces jeunes filles possédent un don inné pour dénouer un corps endolori par des jours de luette, de guerre et de tension, et la bataille semble presque être une douceur lorsqu'on lui connait une telle issue.
Mais un messager fit irruption en beau milieu des massages. Le souffle court, il ne lâcha que ces quelques mots :
"Asmodée, Ainmhain a été attaqué, mais nous ne savons pas qui est l'agresseur."Accomodé à mon flegme, il repartit tout aussi vite qu'il était arrivé. Cette nouvelle m'inquiétait. Gnéas Máineach était absent, et personne n'était là pour reformer la défense, laissant ainsi le royaume ouvert à toute intrusion. Mais mon esprit s'envola aussitôt, chassé de mon corps par la voluptuosité des caresses que je recevais, et je me dis simplement qu'il devait s'agir là d'une attaque isolée, sans grande importance.
Quelques heures passèrent, sans que je ne le réalise. Je n'avais plus aucune notion du temps ou de l'espace, seulement du plaisir.
Mais, à nouveau, un messager se présenta, frappant cette fois à la porte. Il portait la livrée d'Hoshigaru, feu déchu envieux. Il me délivra un message bref, concis :
"Guerre contre les combattants de la Lune Rouge". Il repartit immédiatement, sans plus de détails.
Cette fois, l'angoisse commençait à s'emparer de moi, à peine évincée par les efforts redoublés des jeunes filles. Je n'étais pas encore remis du choc de la nouvelle lorsqu'à nouveau, des coups furent frappés à ma porte. C'était cette fois un messager aux couleurs de Colérys, fief de la colère.
"Les Combattants de la Lune Rouge nous ont déclaré la guerre, mais tout va bien, nous dominons".C'était donc ça. Notre agresseur inconnu était un Lunard.
Je ne saisissais pas le pourquoi de cette guerre. C'était pourtant les Déchus qui avaient été victimes de la Lune Rouge. C'était plutôt à nous de leur déclarer la guerre en réponse à leurs attaques groupées !
Je faisais confiance aux six autres Maîtres, je savais qu'ils sauraient se débrouiller sans Ainmhain. Mais je tremblais pour nos terres. Gnéas absent, et moi qui ne pouvais me rendre sur place aussitôt. Mes armes étaient chez le forgeron pour un nouvel affûtage, et je ne pouvais pas partir sans elles.
Il me fallut donc rester ici, à tourner en rond, à me ronger les sangs. Les rapports qui me parvenaient de temps à autres étaient alarmants, Ainmhain semblait être à feu et à sang. Je pensais à toutes ses vierges qui attendaient leur initiation, confortablement calfeutrées au palais. Allaient-elles être capturées, tuées ? Ou alors les soldats sauraient-ils les protéger ? Tout l'or d'Ainmhain peut partir, mais nos objets de Luxure nous sont des plus précieux.
J'avais ordonné aux forgerons de se hâter et à mes esclaves de préparer mon retour à la surface de la terre. Une journée s'écoula avant que tout ne fût près. Et enfin, je pus partir. Les ruines de mon coeur palpitantes, je remontais vers la surface, m'attendant à trouver une terre totalement désertée et dévastée.
Mais non. Beaucoup de bâtiments étaient tombés, l'armée entière avait péri, et pas un seul soldat ne pouvait raconter ce qu'il s'était passé. Mais rien n'était irrémédiable, et la reconstruction du pays ne prit pas longtemps. Ainmhain possédait une armée de réserve, qui m'avait suivi lors de ma remontée. Ils reformèrent aussitôt les lignes de défenses, pendant que les kobolds s'attelaient à la tâche.
L'esprit appaisé, je me rendis au bureau, espérant y trouver une quelconque explication. Mais non, rien. Pas de missive, pas d'explication, pas de sommation. Seulement les rapports de bataille provenant des royaumes déchus, rapports plutôt satisfaisant d'ailleurs. Nous dominions effectivement, et la victoire était inéluctable.
L'impatience m'envahit à nouveau, mais cette fois teintée d'une certaine allégresse. Il me tardait de moi aussi visiter la surface de la Lune et découvrir ses regs. Rien n'était faisable dans l'immédiat, et je devais ronger mon frein. Une longue nuit s'écoula, pendant laquelle les soldats se reposaient, s'échauffaient et se motivaient les uns les autres. L'inquiétude était loin de planer sur eux, et ils étaient tout aussi impatients que moi.
Et en fin de matinée, enfin, nous pûmes y aller. Nos ennemis étaient bien plus faibles que nous, et les victoires manquaient d'excitation par leur aisance. Mais nous n'avions pas le choix. Nous avions été agressés, il nous fallait répondre et punir ces fous.
Les attaques continuaient à pleuvoir de la part des déchus, mais nous ne rencontrions aucune résistance, et pratiquement aucune riposte n'était menée. Les Lunards semblaient avoir déserté leurs terres, qui étaient pourtant bien mal en point. Et toujours aucune missive de leur part.
La situation en devenait presque ridicule. Cette guerre déclarée sans raison, sans explication, et qui était perdue d'avance pour eux forçait mon sourire. Le camp adverse semblait être totalement désorganisé, et n'avait pas de quoi lutter dans une guerre. Dans un élan de pitié, nous leur proposâmes notre aide s'ils capitulaient, mais un seul revint alors sur la voie de la raison.
Toujours sans aucun contact, un cessez-le-feu fut proposé. Dans notre orgueil, nous l'avons bien entendu refusé. Ils nous ont agressé, et pensaient pouvoir s'en tirer ainsi ? Je voulais les voir à genoux devant nous ! Je voulais que leur folie les ruine, qu'ils nous demandent grâce !
Nous avons continué à attaquer tant que faire se peut, laissant juste le temps à nos soldats de se reposer. A chaque nouvelle aube, les assauts Déchus continuaient de tomber. Et sans prévenir, le moment tant attendu arriva. Un immense drapeau blanc fut aperçut sur la ligne de l'horizon. Nos ennemis se rendaient enfin, et par chance, Gnéas était revenu à temps pour profiter de ce somptueux spectacle.
Les Sept Déchus avaient triomphé ! Les pertes étaient minimes pour nous, et le vice du quotidien allait pouvoir reprendre son cours normal. Mais nos espions placés en terres Rouges nous rapportaient des terres de désolation, à feu et à sang, laissées sans le sou. Peu nous importait maintenant, nous leur avions tendu la main, ils avaient voulu la couper, ils payaient.
Sept mois ont passé depuis cette victoire écrasante, et nous nous sommes sortis renforcés de cette guerre. Nous avons même envisagé de remercier les Lunards, mais nous n'allons pas nous rabaisser à cela. Et aujourd'hui encore, Gnéas et moi rigolons de ce seigneur qui est revenu se traîner à nos pieds après la bataille pour obtenir notre aide.
Ridicule, je crois que c'est le mot qui caractérise le mieux cette guerre ! Si nous avions du en mourir, cela aurait été de rire.
Asmodée
Il referma le grimoire, satisfait de son récit. Le tour venait aux autres Déchus de laisser leur mémoire sur le parchemin, continuant ainsi l'Histoire des Sept Déchus et du Vice.